samedi 30 avril 2016

Témoignage (réflexion picturale sur le duaa)



Témoignage



C’est quand je meurs que le sourire revient dans leurs yeux. C’est si curieux. L’être humain est curieux. Ses énergies se sont éteintes, il en est réduit à ne plus rien attendre de lui-même. A attendre tout des autres. C’est une drôle de vie que celle de l’homme.  Piaillard et paillard s’il en est. La vie à Tanger me fatigue. En fait l’excès de confort me tue plus vite qu’on ne se l’imagine. De tout avoir on ne désire plus rien, de ne plus rien désirer on ne désire plus qu’une mort répétée. C’est du manque que naît le besoin comme c’est du manque que naît le désir, une vie où tous les désirs sont satisfaits est une vie où l’on est vite condamné à mourir. Un homme, je veux dire un humain, vit tant qu’il est entraîné par un espoir, qui le mène jusqu’au lendemain. Il y a une grande différence entre être mené vers le lendemain par un fardeau ou par un espoir. La différence est incommensurable en fait.

La joie des enfants se répète parce qu’elle est la joie même, sans limite et protégée de surcroit non par leurs parents (ils ne se protègent pas eux même - encore moins de leur progéniture), mais par le sort qui a voulu l’expérience infantile ainsi. Un témoignage sur l’activité même des parents peut être. Une mesure ou un mètre absolu.  Imaginons que le jeu soit la règle absolue, le modèle même de la vie ; et certes il n’a pas créé le monde pour la souffrance. De même qu’il ne nous a pas créés pour rien. Si donc le jeu est la règle absolue tout ce qui ne joue pas a perdu. Mais le jeu est ce forcément un jouet ? Faut-il qu’il sorte d’une boite ? Ne suffit-il pas qu’il soit un sentiment ? Et de quel sentiment alors s’agit-il ? À l’instant, ce que me revient à l’esprit c’est justement l’esprit des jeux de pistes.  Une piste à suivre, marquée et surlignée, le jeu est d’arriver au bout du chemin en ne perdant pas la piste. La vie n’est-elle pas alors un jeu de pisteurs ?
Amin et prières sur le prophète et sa famille,
 salutations et soumission

Pourquoi les écrivains s’asseyent-ils dans leurs bureaux des journées entières, des heures entières, pendant que les hommes vaquent à leurs occupations, à la recherche quotidienne de quelque chose en quelque chose ? n’est ce pas un étrange raccourci de la vie qu’ils semblent avoir trouvé à l’ombre de leur stylo ou de leur clavier ? J’imagine qu’écrire ce n’est pas que aligner des mots, mais partir à une chasse. Imaginons que la ville soit traversée d’idées et de mots qui volent ou nagent. Le gagnant est celui qui les attrape au moment précis où ils se font voir. L’écrivain dans l’instant de l’inspiration dispose d’un filet dérivant ou d’un fusil mitrailleur. Il attrape tout ce qui bouge et avec cela construit un récit qui est celui là même de sa journée, celui là même q’il aurait pu sortir écrire autrement, de rue en rue ou de taxi en taxi avant d’arriver à construire une journée bien tournée ou bien achevée, une journée qui ait du sens. L’écrivain ou le poète ou le journaliste n’a pas besoin de courir après les faits pour fabriquer du sens, il prend le sens là où il est dans les mots. 
Amin et prières sur le prophète et sa famille,
 salutations et soumission

Les Mots, les mots, les mots. N(oublions jamais que la réalité ce sont des mots et que quand un être humain veut donner du sens à sa vie, c’est de mots qu’il est question, plus au loin encore, pour pousser la parabole,  écriture est ce tout juste un mot singulier, n’existe-t-il qu’une manière d’écrire, celle qui consiste à prendre un stylo ou à pianoter sur un clavier ? je me souviens qu’il était question lorsqu’on parle de chorégraphie de l’écriture de la danse. Une chorégraphie c’est une forme d’écriture dans l’espace, quand bien même elle n’aurait commencé que par être un  dessin sur une feuille.

Aujourd’hui pendant que je traçais des lignes sur un tableau les enfants se sont rassemblées autour de moi et l’enseignante de dire « laisser le professeur écrire sur le tableau ». j’eus l’idée que le travail artisanal que j’étais entrain de faire, à ce moment là était lui aussi une forme d’écriture, idée qui ne m’avait pas traversé l’esprit auparavant, pourtant, je ne trace que des lignes et des interlignes sur un tableau.
Amin et prières sur le prophète et sa famille,
 salutations et soumission

Continuons. La journée d’un homme qu’est ce à partir du moment où il sort de chez lui, quand une épouse et des enfants l’attendent ? Une quête de la satisfaction des besoins de chacun ? Une quête pour la satisfaction des insatiables ? Dans cette histoire le seul à s’inquiéter de la journée est l’homme lui-même, le seul à angoisser aussi. Imaginons que vous soyez cet homme, que vous sortiez de votre maison avec une liste de besoins, mais que vous ayez laissé à la maison des êtres dont chacun sait exactement ce que vous allez faire, par où vous allez passer, et vous passeriez votre journée à vous reprocher de n’avoir pas pu faire ceci ou cela, d’avoir oublié ceci ou cela, quand ce sont exactement les auteurs de toutes ces demandes et désirs qui tirent les ficelles de votre journée et s’amusent de votre course d’obstacle.
Amin et prières sur le prophète et sa famille,
 salutations et soumission

J’aime à me voir comme ce pantin, dont on tire les ficelles et je jouis d’une certaine manière de la joie et du plaisir sournois de tous ces tireurs de ficelles. C’est pourquoi l’idée de la transparence absolue me plait. Elle est mon refuge. Quitte à être dans une cage de verre, autant considérer que ceux qui viennent me regarder sont les animaux que je visite dans le zoo. C’est par cette inversion et ce retournement que je sauve ma tranquillité ; si tu me tiens c’est non seulement parce que je suis tenu mais aussi parce que je te tiens. Si tu me gardes c’est parce que je te regarde, si tu me vois c’est parce que je te vois, si tu m’entends c’est parce que je t’entends. Le prisonnier n’est pas forcément en prison quand celui  qui l’y a mis se trouve par là même dans l’obligation de se charger de toutes les obligations dont le prisonnier a été ce faisant libérer. Le geôlier  vit en prison, puisque c’est justement là que se trouvent ses prisonniers.  Il est prisonnier des prisonniers, situation qui semble on ne peut plus paradoxale et pourtant.
Amin et prières sur le prophète et sa famille,
 salutations et soumission

La notion de témoignage a une extension absolue, qui rend la vie un plus claire, mais elle exige qu’on se décharge et se libère de tout un ensemble de concepts surannés. Ce que je vois me vois, ce que j’entends m’entends, la chaîne dans laquelle je suis pris depuis le jour de ma naissance jusqu’au jour de ma mort, n’a pas de fin, ni ne se brise. Mais le constater, c’est s’en libérer. De tous temps on a toujours su, qu’à trop écouter les autres on mourrait de ne s’écouter soi même. Si les autres sont ma prison, la conscience que j’en ai est cela même qui me libère de mes chaînes, la soumission a un être humain est une honte, le constat de cette soumission vous libère de la honte comme de la soumission elle-même.

Mes enfants de tous les pays je brûle de vous apporter un conseil qui ne vous atteindra pas. Ah si jeunesse savait, ah si vieillesse pouvait… ce que jeunesse sait c’est que ce que vieillesse peut, ce que vieillesse put c’est ce que jeunesse sait. Ou vice versa n’est ce pas ? quand j’entends tous ces gens discuter dans la rue je suis abasourdi par tout ce que j’entends. Tant de paroles qui leurs semblent gratuites et qui sont autant de filets dans lesquels ils tentent de s’emprisonner les uns les autres, étranges hommes qui passent leur temps à se surprendre et à se piller, et c’est un destin. J’ai vieilli sans aucun doute,
j’ai vieilli en ce que je ne cesse de grandir, naître chaque matin et mourir chaque nuit comme si j’avais vécu mille ans. C’est le destin d’une vie sans mémoire, de celui qui a été condamné à oublier.  C’est l’oubli qui me vieillit et me rajeunit à a fois, c’est l’oubli qui m’empêche de traverser les journées les semaines les mois et les années en les accumulant les uns après les autres les unes après les autres ; c’est l’oubli qui est mon histoire. Remettre les compteurs à zero c’est le rêve de chacun mais qui s’imagine ce qu’est le poids d’une vie dont les compteurs reviennent perpétuellement à éero ? est une condamnation à mort ou une condamnation à vivre ? celui qui m’a dit un jour que même les pigeons s’en vont au paradis m’a-t-il menti ou a-t-il parlé vrai ? le pigeon n’est-il pas aussi celui qu’on a pigeonné ?

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